Participation de Laura
James BOND !
James BOND !
Raymond représentait la quintessence du loser, inconscient et fier comme une teigne, bête à manger du fifre par paquet de douze. Pour commencer, laissez-moi vous décrire le spécimen. Imaginez une sorte de Jiminy Cricket d’un mètre quatre-vingt et des poussières, dégingandé comme une poupée de fil de fer, jambes arquées et bedaine raisonnablement proéminente – Abus de bière à bon marché et pizzas kebab au Nutella. En fait, le lascar ressemblait à un polichinelle famélique la scoliose en moins. Ah oui ! J’avais omis de vous décrire son nez grognon et son menton en ganache toujours rasé à la va-comme-je-te-pousse. À contrejour, le profil du bonhomme évoquait le cul d’un poisson-lune.
Avec ça, une dégaine, visez-moi l’artiste ! Ses collègues disaient de lui qu’il se fringuait au surplus kosovar ; dans ses meilleurs jours. Pour Raymond, un relooking aurait été le défi du siècle. Burn-out assuré pour Cristina Cordula.*
Raymond travaillait comme archiviste dans une boîte obsolète proche de la faillite dont le patron, un vieux birbe paternaliste, n’avait rien compris à la révolution numérique. L’entreprise stockait tout ce qui était stockable dans de vastes cartons entassés au petit bonheur la chance sur d’interminables rayonnages et selon une méthode alphanumérique datant de 1912. Pour certains produits, le système fonctionnait encore. De l’archivage, le vieux était passé progressivement à ce qui s’apparentait le plus au métier de garde-meuble. Allez donc numériser des ustensiles de cuisine, des décors de théâtre, des spicilèges de taxidermiste ou une collection complète de charrettes à bras.
Un matin grisâtre, aux alentours de pastis moins le quart, Raymond réceptionna cinq cartons grossièrement scotchés. Sur chacun d’eux, on avait collé une étiquette sur laquelle étaient indiquées de laconiques informations. Au moment où Raymond hissait le dernier carton sur l’étagère n°12 de la cellule B de l’allée ZG du niveau 4, quelque chose attira son attention.
« 007-J.B. Access. Text. 1998 »
Raymond redéposa le carton sur le sol et observa l’étrange étiquette d’un œil décontenancé pendant 37 secondes précisément. Il renifla, remit en place une mèche de cheveux gras et soudain n’eut d’autre recours que d’enfoncer ses poings dans les poches de sa blouse bleue. Ce geste le rassurait.
Une épiphanie sommaire raviva le surmulot paresseux qui vivait dans sa tête et qui depuis un certain temps déjà lui servait de conscience. Ce n’était pas le modèle le plus performant mais Raymond s’en contentait.
Ces trois chiffres et les initiales J.B., ça lui dessinait comme un chatouillement à la troisième circonvolution à droite juste au-dessus du corps calleux. Bon sang ! Mais c’est… Yeah ! Le surmulot jubilait sous la calotte crânienne de Raymond. James Bond ! Le héros de son enfance auquel il s’identifiait lorsqu’il allait voir ses aventures au Lutétia avec sa mère. À l’époque, le petit garçon délaissé était loin d’imaginer les émois humides de maman, l’œil rivé sur la pilosité pectorale de Sean Connery et la cuisse frémissante.
Raymond jeta rapidement un coup d’œil alentour. Personne. Le doigt gourd et la lippe tombante, il déchiqueta l’étiquette et éventra le carton. Aucune vergogne dans cet acte contraire à la déontologie. C’était plus fort que lui et même le surmulot fit semblant de ne rien voir en enfouissant son museau entre la troisième et la quatrième circonvolution.
Lorsqu’il entrevit le contenu du carton, Raymond décrypta le reste de la référence – Un peu par inadvertance, il fallait bien le reconnaître. « Access. Text. » Accessoires textiles. À l’instar d’un obstétricien dément, Raymond délivra le carton démoli de son rejeton. Un superbe smoking. Suivait une paire de lunettes noires qu’il négligea pour s’intéresser au nœud papillon et à la paire de souliers vernis.
Comment vous dire ? Le surmulot, ayant perdu toute pudeur, exécutait une polka de tous les diables au risque de dévaster la cervelle de Raymond comme un couple amoureux la couche nuptiale.
Ni une ni deux. Raymond rejeta sa vieille blouse pour endosser le costume de l’espion que sa mère aimait. Les chaussures annonçaient une pointure en dessous et le smoking renâclait aux entournures. Quelle importance ? Raymond n’était plus lui-même. Il était l’Autre. Celui que maman regardait. Celui auquel elle repensait dans la solitude de son lit, certains soirs troublants. Et là, le surmulot rougit violemment.
Lorsqu’il entra dans le bureau des secrétaires, une série de gloussements stupéfaits l’accueillit. Dans la réserve, ses collègues l’observaient avec cette lueur de stupeur ironique que l’on lit parfois dans l’œil du badaud blasé. Gros Louis, le plus ancien des archivistes, l’interpela en s’étranglant de rire. Et Raymond, perdu dans sa rêverie incestueuse ne répondait rien. Le sous-chef intervint et tenta de le raisonner. Mais non. Le surmulot avait pris son congé. À la place de Raymond, il n’y avait plus qu’une carcasse balbutiante au regard perdu qui, mimant un pistolet, pointait sa main droite vers le plafond.
Lorsque deux messieurs très gentils en blouse blanche vinrent le chercher, l’archiviste les toisa avec mépris et dit : « Appelez-moi Mond. Ray Mond. »
* Présentatrice de l’émission Nouveau Look pour une Nouvelle Vie sur M6.
Au service de Sa Mapéstie, je relevai le défi. On ne vit que deux fois, et qui serais-je moi de ne pas y répondre avec mes doigts dorés ? Voyez-vous, ce n’est pas moi, la Dr Non, après tout, et pas ma façon de vivre et laisser, quoi. Je lançai alors cette opération tonnerre, rien que pour vos yeux, ou, au moins les yeux d’or de l’homme que je devais sauver.
Je m’en souviens bien, c’était la veille d’une grosse tempête de neige, et le célèbre sieur Walrus, l’homme aux yeux d’or, jouait au casino Royale. On essayait de lui voler son flingue, et c’était à moi de le sauver. Non, jouer n’est pas tuer et tuer n’est pas jouer, mais le monde ne suffit pas et il fallait que cet espion qui m’aimait continue comme l’homme au pistolet d’or, à tout prix.
Arrivée au casino, je volai l’uniforme d’une serveuse de cocktails, et je repérai mon héros en train de se disputer avec un croupier. Oui, je vis Walrus, mais quelque chose n’allait pas -- je croyais voir son spectre.
Je lui offris alors un martini, secoué, pas mélangé. Il le prit et le but d’un trait. Alors, je le frappai avec mon plateau. Il tomba comme une bûche. Mon pied sur sa gorge, je le menaçai :
- Si tu meurs aujourd’hui ou si tu meurs un autre jour, cela m’est égal, mais dis tout de suite ce que tu as fait avec le vrai Walrus !
- Gaaaaaaaaaaaurbmeurmbeurgaaaaaaaaaah, bredouilla-t-il, alors j’enlevai mon pied de sa pomme d’Adam.
- Parle, espèce de con ! lui criai-je. J’ai un permis de tuer si tu ne dis pas tout de suite où se trouve Walrus…
Accordé un petit quantum of solace, comme disons nous les anglophones, le malfrat à mes pieds avoua tout. Je l’égorgeai alors avec le rasoir caché dans mon talon haut. Après tout, même chez les criminels, on ne vit que deux fois.
- Demain, on ne meurt jamais, hein ? ricanai-je en faisant mes au revoir au cadavre.
***
Un peu plus tard ce soir-là, je me retrouvai dans le jet de Walrus au retour à Bruxelles. Mon héros et son pistolet d’or étaient un peu chiffonnés, mais intacts. J’avais même réussi à sauver son chien adoré qu’il appelait Octopoussi, pour rigoler.
- Allez, ma’am Moonraker, me dit Walrus, caressant le toutou sur ses genoux, comment sus-tu que ce n’était pas moi au casino ?
- Je sus parce que toi, tu ne bois que la bonne bière belge, mon ami, et parfois un petit whiskey écossais. Quand l’autre but le martini, je savais que c’était un imposteur !
- Autrement dit, répondit Walrus, en souriant, ce cocktail-là, était dangereusement vôtre ! Ah, ah, les diamants sont éternels ! Et moi, ligoté et caché derrière la grosse roue de roulette, t'ai-je bien entendu dire 'Watch this skyfall' ?
- Eh non, sieur Walrus, en l'achevant, je crois que j'ai dit "Watch this guy fall!"
C'est un véritable séducteur
Et tout autant bagarreur
Un permis de tuer
Et de la volonté
Il est sans attache
Il a du panache
Il est très fort
Il côtoie la mort
Et de jour en jour
Et ce sans détour
Affronte ses ennemis
Même la nuit
Des mains qui tuent
Armes pointues
De la science fiction
Pour toute distraction
Ce n'est qu'un film
Pour certains sublime
Avec Effets spéciaux
Et Gadgets à Gogo
C'est au ciné
Que vous le verrez
Alors venez
Si vous le voulez
Son nom est BOND
James BOND
Matricule zéro zéro sept
Belle allure belle silouhette.
j'avais abandonné l'idée d'être un hors la loi insouciant.
j'ai craché dans les genevriers et j'ai sifflé doucement entre mes dents de bonheur.
Du haut de mes septs ans devenir james bond allait surement compliquer ma vie .
Mais j'y étais prêt.
Ce que je savais de james bond je l'avais appris à la télé ;
fini de s'identifier à des rebelles ébouriffés qui mélageaient un verre de lait avec du jus d'orange!!!
C'était james bond mon coyotte adoré.
Pourquoi jouer la prudence quand on veut changer le monde ?.
Je voulais qu'un jour les gens passent devant chez moi en disant , ici à vécu james bond.
Mais j'étais affligé d'un étrange symdrome du stress et la moinde bataille de pigeons sur un trottoir me faisait sursauter.
A dire vrai je ressemblais plus à un poisson globe ou à un hercule de dessins animés .
diffice alors de faire croire que je pouvais être le james bond des magazines.
Ma conscience me murmurait de laisser tomber le projet .
ma conscience a pursuivie ,il te faut une porte de sortie james bond est une impasse pur toi.
Ma seule réaction a été de hocher la tête et de jeter un regard circulaire sur la rue .
ces pensées avaient déclenché une hyperventilation et j'avais dû mettre la tête dans mes genoux.
les mains pressées sur les oreilles , je restais assis afin de reflechir à ce destin qui m'attendait.
j'étais perdu comme si j'étais rentré au beau milieu d'un mauvais film dans une salle de cinéma .
Il m'avait pourtant semblé facile d'imiter james bond .
c'est mon voisin qui m'a sorti d'affaire en me disant .
Est-ce que tu peux sortir les chiens dans le parc?
Je m’engage dans un tunnel
Froid et sans âme
Long couloir sans charme
Où glissent mes semelles
Des parois métalliques
Refuge de bruits sourds
Dans un demi-jour
Atmosphère maléfique
Je croise des marcheurs,
Des enfants en trottinette
Et au loin des silhouettes
Aucun fracas de moteurs
Sortir d'ici au plus vite
Et arriver au cœur de la ville
Dans un frôlement de cils
Là, où la vie habite
Revoir enfin le ciel
Goûter à ses lumières
aujourd'hui comme hier
je veux revoir le ciel
L’araignée a tissé sa toile.
Lui veut fuir ce tunnel sournois
L’attirant dans un cercle sans fin
Tel un engrenage aux rouages certains
Il a peur d’affronter l’inconnu malin
Qui tel le diable, veux prendre son âme
Et il court désespérément…..
Mais l’araignée maline le suit dans tous ses instants
L’empêchant de ses soies solides d’aller au bout du tunnel
Enfin
Au premier coup d'œil, structure radiale, segments parallèles joignant les rayons, l'association est immédiate : toile d'araignée.
À y regarder de plus près, une vague passerelle dans un tunnel où des personnages, que dis-je, des ombres se dirigent vers une zone lumineuse, j'ai pensé "EMI". Mais non pas Electric and Musical Industries, EMI comme NDE : "Near Death Experience", Bosch en parlait déjà !
Ou alors un truc dans le genre auréole, si vous voyez ce que je veux dire :
Mais vous connaissez mon côté pratique, au bout du compte, ce qui a retenu mon attention, c'est le comment (il y a longtemps que je ne m'intéresse plus au pourquoi). Et j'ai tenté d'imaginer la structure qui aurait pu créer ce genre d'éclairage. Et c'est là que m'est revenu le souvenir de photos que j'avais prises (du temps où d'avoir à maintenir en laisse d'une main ferme le chien de mon épouse ne m'empêchait pas encore de m'adonner à la photographie). Je vous en fais voir une :
Marrant, y a comme un air de famille non ?
Quant à vous dire ce que c'est, faites travailler vos méninges (expression stupide s'il en est, les méninges ne participant en rien à la réflexion, comme chacun sait).
Vous avez traversé le couloir qui renforce l'extension indéfinie de la vie .
Vous voulez dire que je vais vivre éternellement?
Et que ma fontaine de jouvence va procréer plus de mille ans!!!!
Mais ça changera rien cria une petite voix à l'autre bout du tunnel
On sera touours aussi cons mais plus longtemps .
Les nullités de notre espece ne méritent pas l'immortalité .
Moi j'ai jeté mon hinalateur , en pensant que ce couloir avait aussi reglé son compte à mon asthme chronique et à mon exces de glucides.
Au bout du tunnel je suis passée devant un scan , j'étais éclairée comme une ampoule
quequ'un m'a tapé sur l'épaule et m'a demandé de jeté le receuil de nouvelles de tchekhov que j'a avais glissé dans la poche de mon manteau.
Puis le vigile a rajouté :"ton truc schlingle plus qu'une paire de chausettes humides
J'avais sous les yeux le prix que je devais à l'immortalité
Il était en core temps de rebrousser chemin à travers ce couloir de la mort .
'ai dévalé la passerelle la main solidement plaquée sur les nouvelles de tchekhov, pendant que des mortels m'adressaiient des paroles de réconfort;
sans me laisier le temps de somber dans la mélancolie la petite voix me cria
C'est le matin du premier jour de ta vraie vie !!!
Le retour du Chasseur
Les hommes étaient nerveux. Personne n’aimait venir dans un camp disciplinaire, même si ce n’était que pour venir y chercher un prisonnier. Une telle visite ne leur rappelait que trop ce qu’ils risquaient en cas de manquement. Et pour couronner le tout, ils ne venaient pas chercher n’importe qui.
Ils étaient là pour le Chasseur.
Le meilleur de toutes les unités, celui que personne n’aurait jamais pensé voir dans un endroit pareil.
Jusqu’à ce qu’il soit mis sur la piste de l’Ombre, la tueuse à gages, celle qui les ridiculisait tous.
Et qui l’avait ridiculisé lui aussi.
Le Chasseur avait craqué, le bar où il était en avait fait les frais, et lui s’était retrouvé devant la commission de discipline. À présent, sa peine purgée, ils étaient chargés de le ramener. Facile en théorie, sauf que…
Qui pouvait savoir de quelle humeur allait être le Chasseur après avoir dû courber l’échine pendant tous ces mois ?
— Le voilà, murmura l’un des hommes.
Il arrivait, en effet, le visage fermé. Ils virent tous qu’il était menotté, ce qui les conduisit à échanger des regards inquiets. On menottait rarement un prisonnier qui allait être libéré…
— Euh… il n’est pas censé être relâché ? s’enquit le chef du détachement.
— C’est la nouvelle procédure, répondit le commandant du camp en jetant un regard peu amène au captif impassible. Menottes jusqu’à ce que le prisonnier soit à bord du vaisseau de retour.
— Nouvelle depuis quand ?
— Depuis qu’il est là ! Je vous souhaite bien du plaisir, les gars !
Sans rien ajouter, l’homme fit demi-tour, abandonnant le petit groupe.
— Très bien, allons-y, se résigna le responsable de la mission. Plus vite on en aura fini, mieux ça vaudra. Ne déconne pas, toi, OK ?
Les derniers mots s’adressaient au Chasseur, qui se contenta de lui adresser un sourire glacial.
— Je sens que le retour va être long, long, vraiment très long… soupira l’homme en prenant la tête du détachement.
Le Chasseur quitta donc le camp sous bonne escorte. Dès qu’il fut à bord, on lui retira les menottes.
— Ne faites pas cette tête-là, je ne vais mordre personne.
La voix du Chasseur fit sursauter tout le monde. Il eut un rire moqueur.
— Je suis un représentant des forces de l’ordre, pas un criminel.
— Désolé de te dire ça, mon vieux, mais tes récents exploits ne plaident pas en ta faveur, et il paraît que tu n’as pas été un détenu modèle.
— Les on-dit…
Le Chasseur eut un rire sardonique.
— Ne vous en faites pas, je n’ai pas l’intention de faire d’esclandre. J’ai un compte à régler. Si ça peut vous rassurer, je resterai dans ma cabine en dehors des repas.
Le Chasseur suivit le commandant le long des coursives du vaisseau, indifférent aux rayures noires et blanches constituant l’étrange décor des parois, puis entra dans les quartiers qui lui avaient été dévolus et referma la porte. Une fois seul, il plongea la main dans sa poche et en sortit un papier froissé d’avoir été lu mille fois.
Tu es bientôt libre, Chasseur. Je t’attends avec impatience.
L’Ombre
Cette station a toujours suscité une polémique: Qui de Réaumur ou de Sébastopol fit débaptiser la station qui s'appelait à l'origine Rue Saint Denis.
C'était quand même plus simple avant car l'usager savait parfaitement pourquoi il descendait là et les “traditionnelles” en fourreau panthère qui lui disaient “Tu montes?” le savaient aussi.
Si vous y descendez, c'est forcément pour en sortir et voici quelques conseils:
Pour sortir côté Sébastopol il suffit de se diriger à l'oreille sur cet air d'autrefois mais bien connu diffusé dans les haut-parleurs, “Mon Sébasto” chanté par Léo Ferré dans les années 60 et aux paroles intello-cérébrales:
Quand l' flic est en vue...
C' qu'on fait avec ell's, y faut le fair' vite
Et pas s' attarder mêm' si ça vous plaît
Moi ça m'est égal, je n'ai plus qu'un rite
C'est le cornet d' frites
Et le Beaujolais
Plus sérieusement Sébastopol est l'anagramme de Lopotsabès qui ne signifie rien et n'a ni synonyme ni antonyme.
Finalement rattachée à la Russie par une ficelle appelée référendum, cette ville est assez célèbre pour porter à la fois le nom d'une station de métro parisien et le nom d'un boulevard.
Universellement connu pour son confort, le siège de Sébastopol inspira au général Mac Mahon la fameuse citation “J'y suis, j'y reste”.
Cette citation deviendra la devise du 3è régiment de zouaves (descendre à Alma, ligne 9).
Ne pas confondre avec la citation du père Lachaise “Repose en paix” située 5 stations plus loin.
C'est une chance que les deux voies qui se croisent aux sorties de la station s'appellent rue Réaumur et boulevard Sébastopol car on a échappé entre autres à l'appellation Deux Boules-Brisemiche.
Pour sortir côté Réaumur il suffit de suivre les panneaux indicateurs “René-Antoine Ferchault de Réaumur (1683-1757)” qu'on a simplifié en Réaumur.
Contrairement à Sébastopol, Réaumur n'a donné lieu à aucune citation qui mérite l'attention sinon “C'est à la Réaumur qu'on reconnait le maçon”.
Une plaque commémorative rappelle que René-Antoine inventa le thermomètre et l'échelle qui porte son nom, échelle dont on trouve une réplique réservée au personnel d'entretien et interdite aux usagers sous peine d'amende.
De même il est interdit de consommer l'alcool contenu dans le thermomètre géant illustrant l'invention de ce génie qui est le seul à ce jour à avoir fait bouillir de l'eau à 80°.
Dans le long couloir qui mène à la sortie Réaumur, on trouve des raies aux murs et au plafond, des motifs psychédéliques qui brouillent la vue et peuvent donnent envie de gerber.
On est prié d'utiliser les sacs en papier recyclable prévus à cet effet.
Afin de différencier l'entrée de la sortie, puisque toutes deux empruntent le même couloir, un ingénieux système de raies noires sur fond blanc dans un sens et de raies blanches sur fond noir dans l'autre sens renseignent l'usager désorienté.
Beaucoup ignorent qu'en courant à la vitesse d'un cheval au galop - à l'instar d'un promeneur piégé dans la baie du Mont-Saint-Michel - les murs apparaissent uniformément gris et donnent alors l'illusion d'entrer par la sortie et vice-versa.
Notons qu'il n'existe pas de station Mont-Saint-Michel afin d'éviter tout amalgame à marée montante c'est à dire aux heures de pointe.
A suivre une prochaine fois : saint Lazare porte maillot (y'a pas de honte)
Le premier Transitarium ouvrit ses portes à Genève le 12 octobre 2027 dans l’indifférence générale.
***
Martial, qui jusqu’à ce que commence notre histoire, portait assez bien son nom, commençait à en avoir plus qu’assez de cette vie de loser généralisée. Ras le bol des : « Il ne faut pas baisser les bras » et des : « Bientôt tu verras le bout du tunnel ».
Les racines du mal venaient en partie d’un certain dimanche de novembre 1999. Noélie, son épouse, avait demandé le divorce. Elle se tenait assise sur le bord du lit, droite comme un I, les bras croisés. Sur son visage, une sévérité de dame patronnesse. Martial, à peine réveillé, ne comprit par vraiment les raisons de cette décision abrupte. Il était question de chômage, de précarité insupportable et de quotidien grisâtre. Elle termina sa diatribe par l’inénarrable : « Je ne m’inquiète pas pour toi. Tu retrouveras quelqu’un rapidement. Et du travail aussi. Tu es brillant, intelligent. Bientôt, tu verras le bout du tunnel. »
***
Il ne fallut que quelques mois, cependant, pour que les Transitariums ouvrent un peu partout en Europe, puis aux USA et en Asie. Seule l’Afrique et une partie de l’Amérique du Sud échappèrent à cette tendance. L’Histoire retiendra qu’ils avaient utilisé des moyens plus conventionnels pour régler le problème.
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En 2005, Martial n’avait toujours pas retrouvé de travail ; ni de compagne. Qui s’intéresse à un loser sans emploi abonné aux minima sociaux. Ce n’était pas faute de chercher. À chaque fois les réponses étaient les mêmes : « Vous ne correspondez pas au profil recherché. Mais au vu de votre CV, vous n’allez pas tarder à rebondir. » Ce qui était une manière polie de dire que Martial était sans emploi depuis trop longtemps, qu’il était trop vieux, bref ! Qu’il était un has-been. Un jour, un agent de Pôle-Emploi lui assura que bientôt il verrait le bout du tunnel. Pour une raison dont Martial ne se souvenait pas, ce jour-là, il ne cracha à la gueule de ce con.
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2015 ! Le monde partait à la dérive et pourtant les politiciens s’obstinaient à prêcher le retour de la croissance. La croissance infinie dans un monde fini. Quelle absurdité ! Des publicitaires sans scrupules persévéraient dans la promotion d’une multitude de produits inutiles destinés à des consommateurs au pouvoir d’achat de plus en plus exsangue. Des opportunistes rusés et autoproclamés coaches en développement personnel vendaient leurs méthodes miraculeuses comme des petits pains. Leur leitmotiv : « Si vous êtes seul, dans la misère et malade, c’est parce que vous ne maîtrisez pas la pensée positive ! Comment ? Vous avez acheté mon livre est vous êtes toujours dans le besoin ? C’est parce que vous n’y croyez pas assez. Achetez donc mon nouveau livre qui révèle tous mes secrets pour réussir ». En gros, c’était de votre faute.
Un jour, alors qu’il patientait encore à Pôle-Emploi pour des nèfles, Martial entendit une formule qui lui mit la rage au cœur : « Et quand Ils nous auront tous mis au chômage, à qui Ils les vendront leurs produits de consommation pourris ? » Celui qui avait hurlé son désespoir fut expulsé comme un malpropre par des vigiles zélés. La sécurité ? Un secteur prospère.
2025 ! Les gouvernements étaient aux abois. L’Europe comptait un taux de chômeurs officiel de 42 %. Des réfugiés arrivaient de toutes parts, fuyant la guerre, les catastrophes écologiques et la famine ; de pauvres bougres hagards croyant en un Eldorado mort depuis longtemps. Les populations locales paniquaient, créaient des milices, se barricadaient tant bien que mal dans l’illusion d’un monde qui ne reviendrait jamais. Les politiciens tenaient des propos lénifiants, affirmaient que la reprise était pour demain. Bientôt, nous verrons le bout du tunnel. Encore un peu de patience.
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Malgré ce climat de déshérence et des rumeurs alarmantes, l’industrie des Transitariums prospérait de manière exponentielle.
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En 2029, le taux de chômage dégringola à 27 %. L’année d’après, on ne comptait plus que 12 % de personnes sans emplois et pourtant pratiquement plus aucune entreprises ne tournaient correctement. Excepté les Transitariums qui fonctionnaient à plein rendement grâce à une publicité efficace et un bouche à oreille performant.
***
Martial pris sa décision un certain dimanche de novembre. Il n’avait toujours pas de travail, ne touchait les minima sociaux que sporadiquement et il venait enfin de comprendre qu’il finirait sa vie dans une solitude de clébard. Las de cette angoisse larvée qui pourrissait ces nuits d’insomnie et ses journées noyées dans le mauvais vin, il prit le chemin du Transitarium le plus proche.
***
Une aimable hôtesse l’accueillit avec un sourire factice. Que pouvait-on attendre d’un androïde ? On le fit patienter quelques temps dans une salle d’attente bondée. Une multitude de visages graves, accablés, emprunts d’une extrême lassitude. Enfin, une voix synthétique appela son numéro. Il pénétra dans un bureau aseptisé et glacial. Un homme en costume trois-pièces l’accueillit en lui serrant chaleureusement la main. Il se présenta comme le docteur Martin. Il s’était composé la figure rassurante de l’antique médecin de famille. Son regard bienveillant scrutait Martial sans répit. Après quelques paroles de circonstance, le bon docteur lui proposa un verre d’un liquide bleu chatoyant. Un tranquillisant léger. Puis l’accompagna vers le sas.
C’est avec insoucience que Martial pénétra dans le tunnel noir parsemé d’étoiles qui allait le mener à la libération. Allez ! Encore quelques pas et il verrait enfin le bout du tunnel. Sa dernière sensation fut un grand flash suivi d’une brève odeur de viande grillée.
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2037 ! La crise était terminée. La population mondiale s’était réduite à quelques dizaines de millions d’individus. On manquait de main-d’œuvre un peu partout, mais dans l’ensemble, le système fonctionnait de nouveau. Les politiciens triomphaient. La croissance était de retour.
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À Oakland, le dernier Transitarium ferma ses portes dans l’indifférence générale ; faute d’usagers.
A quai, pendant un poste d’entretien, j’avais été affecté à la remise en peinture de la tranche de l’étrave. Pour atteindre ce difficile réduit, le long d’une échelle verticale, il fallait descendre des paliers confinés jusqu’aux soutes les plus exiguës. L’étroit compartiment de la proue était scindé en petites alvéoles renforcées et je devais m’employer pour atteindre chacune des plus petites surfaces à peindre. On avait placé des ventilateurs en forme de coquilles d’escargot pour aérer le local ; ses manches à air me gênaient en empêchant mes contorsions de coloriage, les fils des baladeuses se coinçaient sous mes genoux et je trimballais mon pot de minium dans cet entrelacs inextricable.
Avec maintes reptations, je devais franchir des tranches de plus en plus étroites ; ensuite, assidûment, je peignais les parois de l’intérieur de l’étrave, l’endroit le plus effilé du navire. Le plus souvent à plat ventre, je m’appliquais à cette œuvre de réfection comme si je le caressais dans le sens de sa tôle. Au-dessous du niveau de la mer, je n’osais pas gratter des points de rouille naissants ; aussi, en échange secourable, j’y appliquais généreusement ma peinture pansement pour soigner ces petites plaies boursouflées…
En y repensant, je crois que c’était une des corvées les plus pénibles du début de mon embarquement, mais j’aimais bien cette intimité d’étrave, cette collusion fortuite entre les ombres curieuses et les lumières falotes des ampoules faiblardes.
Toujours aussi copieusement, j’étalais ma peinture sur tout ce qui pouvait la recevoir. Je ne peignais plus, je décorais. A la lumière blafarde, l’endroit devenait une véritable mine d’argent ; chaque pépite d’une goutte de peinture brillait intensément. Là, dans l’intimité des profondeurs, c’était une véritable caverne de richesse. J’avais une grande fierté d’accomplir cette responsabilité ingrate et je m’employais à cette pénible astreinte carcérale avec un zèle de jeune matelot convaincu.
Entre nous, je crois que je fayotais avec mon bateau, dans ce sens hypocrite : « Vois-tu comme je prends soin de toi ?... As-tu remarqué comme je m’applique à la tâche précieuse d’embellir tes moindres détails ?... Et toi ?... En échange, me ramèneras-tu toujours à bon port ?... Sauras-tu pourfendre les pires vagues des tempêtes ?... » On discutait ensemble et s’il ne me répondait pas, les ombres dansantes, courant derrière ma baladeuse, avaient des traductions optimistes dans mon entendement rassuré.
Moi-même, j’étais décoré de peinture ; avec des pâtés, des traits, des panachures, j’étais galonné du grade d’embellisseur d’intérieur d’étrave et cela conférait à mon esprit embrumé un réconfort optimiste. Comment dire ? Elle et moi, on se partageait l’argent de cette pénombre heureuse. Cette face cachée d’étrave, c’était ma réelle confidente ; nous n’étions plus qu’un, maquillés à la même euphorie panoramique. Je crois que je la soudoyais avec tout mon argent de pot de peinture ; c’était mon obole, ma contribution à la réussite d’une future mission de mer. Si j’avais pu la peindre avec de l’or, je l’aurais naturellement badigeonnée avec excès… « Dis, tu m’emmèneras loin ?... Dis, tu me ramèneras ?... » Le ronronnement du ventilateur était ses seules réponses dans le vent.
Loin du monde et de ses turbulences, par l’effet d’échos sous-marins, j’entendais des bruits contre la coque. C’était amusant d’essayer de deviner tous ces chuchotements de clapotis, ces heurts liquides, ces gargouillis de bulles accrochés contre la coque. Bien sûr, malgré les ventilos, ça puait le minium mais c’était enivrant, cette sensation de parfum obsédant. Je m’y étais habitué et je le respirais avec une forme d’exaltation entêtante. Pendant la pause, je tirais même sur ma clope en oubliant les vapeurs dangereuses de cette peinture tellement volatile.
Tout à coup, l’ampoule s’éteignit, le ventilo s’arrêta ; j’étais prisonnier dans le noir total. Accroché à mon pinceau, je cherchais une quelconque issue à cette pénible situation. Sans la voir, omniprésente, je ressentais l’étrave devant moi. Elle semblait encore briller de toute sa peinture fraîche.
J’avais allumé mon briquet et je m’étais retrouvé dans le ventre de la baleine ; les différents étais métalliques se perdant dans la pénombre étaient ses côtes, les manches à air et les rallonges électriques étaient ses entrailles, les grondements alentour étaient ses borborygmes…
C’est pendant ces secondes de claustration que j’ai réalisé que mon bateau était vivant. Jonas, je palpitais d’inquiétude, lui, il respirait lentement, rompu à tous les imprévus de son bord ; j’écarquillais les yeux, lui, il se tenait immobile, feignant l’indifférence de l’ordinaire ; j’appréhendais un rapide et heureux dénouement d’éclairage, lui, il jouait de son élégance d’étrave comme avec un estoc découpant habilement le noir…
Que pouvait-il bien m’arriver au sein de ce fier navire ? Là, dans l’isolement emprisonnant des ténèbres, j’étais à l’aise comme peut l’être un adolescent dans sa chambre. Protecteur, il m’avait admis dans l’intimité de son antre ; je le ressentais au plus profond de mon être.
J’ai vécu cette étrange osmose pendant tout mon embarquement. Au gré des tempêtes, quand il gémissait sous les déferlantes, j’avais mal à l’âme ; quand il se redressait, fier, à l’amont d’une énorme vague, j’étais avec lui pour crier à l’éphémère victoire ; quand il glissait sur la mer, à toute vapeur, j’admirais inlassablement son sillage et j’entassais toutes ses belles couleurs dans mes mémoires de voyage. En fin de vie, quand on l’a coulé, c’est un peu de moi qui suis parti mourir dans les grands fonds.
Oui, la lumière était revenue, le ventilo s’était remis en route ; le côté pile de l’étrave était plus que flamboyant…
Bienvenue au chronogyre.
Vous avez été sélectionnés parmi des milliards de milliards de candidates pour voyager dans le temps.
Vous passerez d’ici jusqu’à d’autres univers qui vous sont jusqu’alors inconnus.
Soyez prévenus que lors de votre voyage, vous verrez d’autres temps et d’autres mœurs.
Dès le départ, certains participants ressentiront un léger vertige. C’est normal.
Certains participants ne ressentiront rien. C’est normal aussi.
Certains participants seront incertains. Certains incertains resteront incertains. C’est la vie.
Certains participants en sortiront en hurlant.
Ne soyez pas surpris de recevoir un petit coup aux fesses, soit pour faire que vous respiriez, soit parce que votre guide sera un sadique. Nous vous conseillons de pleurer tout de suite, si vous restez trop calme, vous n’en sortirez jamais.
Malheureusement, nous n’avons pas encore perfectionné le chronogyre au point où vous pourrez choisir votre destination, ni votre demeure éventuelle. On vous rappelle que cela fait partie de l’aventure.
N’oubliez pas qu’une fois le voyage entamé, il sera trop tard pour vous de changer d’avis. La meilleure démarche dans de tels cas est de faire de votre mieux de vous adapter, avec la certitude qu’au bout d’un moment, environ dix-huit ans selon votre destination, vous pourrez changer de lieu. Il arrive parfois que nos candidates soient si bien placés qu'ils n'ont pas envie de partir dans un délai de vingt ou même ans, voire plus. Si cela vous arrive, sachez que ce sera votre responsabilité de tout régler, pas celle du chronogyre.
Nous ne sommes pas non plus en mesure de garantir la durée de votre trajet ni de votre séjour. Celui-ci peut durer de quelques minutes jusqu’à un siècle. Mais ne vous en faites pas. Cela aussi fait partie de l’aventure.
Quoi qu’il vous arrive, n’oubliez pas d’en profiter ! Après tout, c’est pour cela que vous êtes venus !
Couloir de l’école
Que la jeune enfant
Arpente à pas lents
Avance en pleurant
Ne trouve plus la classe
De madame Lacasse
Croyez pas qu’elle rigole
L’enfant de cinq ans
Couloir du nageur
Celui du sprinter
Ou du patineur
Qui ont mis des heures
Pour être les meilleurs
Couloir d’hôpital
Où défile, alité
Un accidenté
Le choc trop brutal
Lui sera fatal
Couloir à contresens
Bienvenue dans la danse
Couloir de circulation
Pour les avions
Couloir aérien
Qui t’emmène au loin
Intrigues de couloirs
Des hommes politiques
La soif du pouvoir
Est si magnétique
Les bruits des couloirs
Alimentent la rumeur
Démissionnera ce soir
C’est une question d’heures
Dans certains pays
Faire le couloir
C’est chercher appui
Dans les ministères
Auprès des partis
Avec pour espoir
De gagner du pouvoir
Dans les hautes sphères
Couloir humanitaire
Que l’on tente de faire
Dans un pays en guerre
Pour porter secours
À des êtres humains
Qui n’ont rien fait pour
Connaître ce destin
Couloirs de la mort
Qui existent encore
Dans une société
Dite civilisée
Et toi, et toi
Tu es mon couloir
Quand revient le soir
Je me coule en toi
Qui m’ouvre les bras
Et chante mon âme
Éclate mon cœur
Tu es le sésame
Des jours de bonheur
Fairywen ; Emma ; Marco Québec ; Vegas sur
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