Instant tanné (Sebarjo)
Instant tanné
Je ne peux plus me voir
Ca me glace.
On m'a refait le portrait,
C'est la faute aux matons
Instant tanné
Je ne peux plus me voir
Ca me glace.
On m'a refait le portrait,
C'est la faute aux matons
Les deux miroirs de la salle de bains se font face. Sarah s’interpose entre eux.
La lumière qui éclaire son visage est douce.
Enfant on lui a dit de ne pas se fixer trop longtemps devant la glace, qu’elle risquait d’y voir le diable. Alors elle restait là à attendre, inquiète, mais curieuse.
Plus tard, après avoir compris qu’elle n’y verrait jamais que son image, Sarah aime à se regarder.
Bien, l'heure est au bilan. Elle se plante devant le miroir, bien décidée à faire un état des lieux sans concessions.
Ce qui la frappe d'abord, c'est son teint d'endive. Dit comme ça, c'est morose et pas très appétissant. Ça évoque la vieille fille, les légumes bouillis, l'amertume et le sans-sel. Mais l'endive, si on la prend autrement, si on l'accompagne d'une pomme râpée et de quelques noix, si on l'assaisonne d'un filet d'huile d'olive et d'une pincée de curry, l'endive devient beaucoup plus amusante. On dit « Oh, tiens, ça c'est une bonne idée !», on en reprend. Un teint d'endive est un teint de fête.
En continuant de s'examiner, elle voit ses yeux, des yeux de merlan frit. Ce n'est pas qu'elle soit abattue, mais la fatigue cerne et se lit dans ses quinquets. Merlan frit : repas de cantine, un huitième de citron dans l'assiette avec les patates à l'eau. Le bruit, la bousculade et dépêchons-nous. Non, le merlan frit, ce n'est pas que la salle de repas froide et assourdissante, ça peut avoir des odeurs de fêtes foraines. Les fishs and chips des ports anglais, ce n'est pas triste. On mange dehors avec les doigts, en riant et en parlant très fort. Des yeux de merlans frits, mais c'est la fête.
Elle regarde ses cheveux. En baguettes de tambour. Raides, elle qui a toujours rêvé d'une opulente chevelure bouclée, elle doit se contenter de baguettes de tambour. Mais un tambour, c'est plein d'entrain. Ça donne de l'allant, le tambour. Il y a beaucoup d'endroits où on ne sait faire la fête sans tambour. C'est dit, elle a des cheveux de fête.
Son front n'est plus lisse, il se strie, se biffure, comme une lettre pleine de ratés, comme une plaine ravinée. Pour trouver un air de fête à un front couvert de rides, il faudrait être optimiste. Ça tombe bien, c'est ce qu'elle est. Si elle avait été scoute, elle aurait choisi comme totem la grenouille rebondissante, celle qui ne reste jamais à plat bien longtemps. Un front lisse, ça donne l'air idiot, ce n'est vraiment pas intellectuel, qu'un front rompu à la réflexion, c'est autrement plus intéressant.
Dieu merci elle n'a ni les oreilles en chou-fleur, ni le menton en gras-double.
Il y a des femmes fines et délicates, ou encore nobles et racées. Il y en a qui ont des airs de dragons, de matrones, de commères. Il y a des bombes qui font se retourner sur leur passage avec leurs atouts en avant et leur derrière prêt à tout. Et puis, il y a les autres. Pas d'extrême, juste la normalité. Ce n'est pas foie gras et Sauternes, ce n'est pas non plus cassoulet en boîte et eau plate. C'est repas quotidien avec le plat du jour, un peu de verdure et avec un « Qu'est-ce que tu bois, un verre de vin ou une pression ? ». Des fois, elle préfère le rouge riche en tanin, d'autres fois, c'est l'amertume fraîche qui l'emporte.
L'heure est au bilan et la voilà qui s'égare dans des projets de repas.
L'heure est au bilan et elle sait qu'elle est épargnée par les épreuves. Pas de détresses insondables, pas d'ivresses enchanteresses ; le bonheur quotidien, celui qu'on tisse avec méthode en remettant sur le métier, chaque jour, son ouvrage.
L'heure est au bilan et elle ferait bien une blanquette.
"miroir, ho mon beau miroir, dis moi ce que tu vois en moi" par rsylvie Maternité aiMer avenIr pRojets façOnner exIster rougiR de plaisir face à l’image réquieM
Innocence
Ravissement
Ondes positives
Insouciance
Rosir de plaisir devant l’image
vieillI
dormiR
l’enfant d’O
finI
cassée, l’image dans le miroiR
Walrus ; Cartoonita ; vegas sur sarthe ; Joye ; Oulipien ; rsylvie ; Zigmund ; PHIL ; Val ; tiniak ; Papistache ; Sebarjo ; MAP ; Martine27 ; Captaine Lili ; Zie ; Joe Krapov ; Poupoune ; Anthom ; Teb ; Virgibri ; Brigou ; Berthoise ;
Nous sommes redevables de la consigne* de la semaine à notre ami Zigmund :
MIROIR
envoyez vos textes à samedidefi@hotmail.fr
*Elle nous a plu dans sa sobriété et dans son pouvoir évocateur ; attendez-vous à en retrouver d'autres de sa plume, l'ami a été prolixe. Vous aussi vous souhaiteriez défier la communauté ? N'hésitez pas, envoyez vos suggestions (vous connaissez l'adresse ! ).
Les premiers saltimbanques
Nous formions, elle et moi, un curieux équipage.
On eût dit une reine et j’eusse été son page !
Mais c’est moi qui dardais de mon bel aiguillon
Le quadrille léger
De la gent papillon
Dont nous étions les passagers.
Qu’elle fût callipyge ou pas, nul ne l’occulte :
Tous ses adorateurs lui vouaient un gros culte.
Ses appas dénudés enflammaient les nuages
Et c’est à l’aventure
Par doux vagabondages
Que nous parcourions la nature.
Nous semions ici bas l’ivresse, le plaisir,
Le trouble et l’émotion sous forme du désir.
Chacun était touché de nos traits insidieux,
On nous aimait beaucoup :
J’étais enfant des dieux
Et je faisais mouche à tout coup.
Cette image de nous qu’à présent je contemple
Soulève mon courroux. Je cherche en vain le temple
Où nous pourrions encore aujourd’hui essaimer.
Je ne suis pas miraud
Et je sais bien qu’aimer
N’est plus donné qu’à des héros.
Danser la capucine en ces temps n’a plus cours
Et vous n’accordez plus à ces charmants discours
Du dieu Amour grande importance en vérité.
Cette époque est foutue.
Faites sans nos bontés :
Eros ne bande plus, Aphrodite s’est tue.
Edouard Toudouze. - Eros et Aphrodite (Musée des Beaux-Arts de Rennes
Suite par Sebarjo :
Mais danser les Canards en ces jours reprend le cours
Sur des musiques aux mille canards qui suivent toujours
d' improbables chenilles déguenillées et déjantées,
Débandades corporelles, orgiaques et inhibées.
Pantalon a survi à la farce du monde
Et se dévoile à la face des blondes
aussi hagardes de l'Est que de Lyon
Et, niaisement l'amour reste au niveau du cale-sons.
Car à Apollon, Pantalon a fait ce Tour
Montparnasse et les dieux dans leurs carcasses
Déversent inlassablement sur leur mont parnasse
Les sanglots longs de l'amour qui tourne court.
La mayonnaise ne monte plus bien haut,
Le vinaigre reste à l'aigre et le vin triste subsiste
L'âme aura bientôt perdu tout ce qu'elle avait de beau
Au ryhtme de crises en thèmes aquoiboinistes.
Sans son arc de triomphe,
Eros ne bande décidément plus,
Tandis qu'Aphrodite sur un divan ronfle.
Cette époque est véritablement foutue !
Chapitre LXVII (Tiphaine)
Le plaisir ne dure qu’un temps.
Akinisi et Anosmik étaient étendus, comme sans vie, ils regardaient le ciel.
Cette planète était étrange et ne ressemblait guère à la leur.
L’herbe rose, le ciel orange et jusqu’à ce soleil aux rayons bleus ne cessaient d’émerveiller la jeune voyageuse.
Son compagnon, lui, essayait de calculer l’éternité que devrait leur prendre le trajet retour.
Akinisi : Regarde ! Mon amour ! Comme ils sont beaux ces nuages !
Anosmik : Oui, oui…
Akinisi : Oh ! Vise un peu celui-là ! On dirait notre fusée !
Anosmik : Moi je trouve qu’on dirait une bite…
Akinisi : Pffff… Tu ne comprends vraiment rien à la poésie du monde, toi… Oh ! Tu as vu le gros nuage là-bas ? Regarde ! Tu ne trouves pas que ça ressemble à un de ces angelots joufflus qu’on voit dans les vieux livres ?
Anosmik : Hum…
Akinisi : Quoi ?
Anosmik : Rien, rien…
Akinisi : Mais si, vas-y…
Anosmik : On dirait juste une grosse paire de fesses, c’est tout.
Akinisi se leva rageusement et fit mine de s’en aller. Anosmik ne dit rien. Il avait la rage profonde mais discrète. De même que la douleur.
Relevant la tête, il aperçut au loin l’adversité. Comme tous les soirs, elle tissait… Voulant se rattraper de sa précédente maladresse, et peut-être motivé par le fait que cette romantique personne était la seule du sexe opposé à des années lumière à la ronde, il interpella courtoisement sa compagne qui s’éloignait à présent :
- Mignonne ! Regarde l’adversité tout là-bas ! Que te semble-t-elle tisser, ma douce ?
Akinisi scruta l’horizon un long moment, puis déclara pensivement :
- Desseins… de noirs… desseins…
Perplexe, Anosmik se rembrunit soudain.
Il ne comprendrait décidément jamais rien aux femmes…
Et la fin, par Joye…
Milord et Milady, le chien et la chienne du baron de la Fiente -qui par ailleurs produit un excellent champagne (voir étiquette ici-bas)– se reposaient au soleil, allongés inhabituellement sur le dos dans le gazon fraîchement tondu par Nicolas le jardinier, près du bassin où des carpes japonaises bullaient paresseusement.
La gueule levée vers l'azur d'un ciel limpide, ils discouraient librement en évitant tout (ac)croc... Les banalités d'usages fusèrent, pour lancer les débats et s'orientèrent évidemment sur la climatologie et autres niaiseries météorologiques.
Milord : fait chaud hein ??? J'en frétille de la queue...
Milady : J'en ai le poil tout retourné !!! Les rayons du soleil me chatouillent tout le corps, j'en ai la truffe humide... Hmmm... La canicule est de retour, dirait-on...
Milord, un temps : Quand tu penses que Canicule vient du latin Canicula et que cela signifie Petite chienne, ça me donne chaud... O Ma belle, M'amie Lady, ma petite chienne... (il pousse quelques jappements évocateurs)
Milady : Et quand tu penses également que ces crétins d'humains, lorsqu'il pleut des cordes, parlent d'un temps à ne pas sortir un chien... Quellle absurdité !!!
Milord , déçu que son approche n'ait pas fonctionné et se disant qu'il l'avait dans l'os, mais bon joueur malgré tout : Tu l'as dit, chérie... Ils sont fous ces humains !!!
Milady : Mais regarde, il y a tout de même quelques nuages qui approchent...
Milord : Effectivement... Tiens, c'est amusant... Regarde-bien ce cumulus, il ressemble à un cubitus, non ?
Milady : Oh Milord, nous sortons à peine de gamelle, et toi tu penses déjà à manger !!!
Milord : Que veux-tu, je suis un gourmet panseur !!!
Un long temps... l'un panse tandis que l'une pense, tant la profondeur philosophique de ces derniers propos est intense et apéritive...
Milady : Dis donc Milord, je viens de voir des espèces de cloportes sauter deci-delà...
Ne me dis pas qu'ils viennent du bassin aux carpes !!!... Allez, avoue, tu ne t'es donc pas baigné ce mâtin ??? Tu es encore plein des puces !!!
Milord : Enfin ma puce euh...M'amilady... tu sais bien que je trouve le bain trop bath !!! I'm so british !!! je ne le manquerai sous aucun prétexte ! Ce n'est pas la peine de me passer un savon !!! ... Ce doit être encore des poux à Toto...
Milady : Oh oui tu as raison, je l'avais oublié ce garnement !!! Oh, quel sale gosse tout de même !!! Le Baron devrait dire à la gouvernante Pou-pou-ne de lui raser la tête, sinon on ne s'en sortira jamais...
Milord : Ouh là !!! Comme tu y vas !! Tu connais Pou-pou-ne ???!!! Si monsieur le Baron lui dit de lui raser la tête, elle va la lui couper carrément !!! O + O = plus de tête à Toto !!!
Milady : Tu as raison, je n'y avais pas sangé...
Milord : parlons-en plutôt au précepteur, Joe Krapov, il s'y connaît en cochon lui...
Nicolas et Toto se dirigent vers les deux cabots, l'air cabotin... Que va-t-il arriver à nos deux héros canins ??? Vont-ils succomber à cause de ces serpents qui sifflent déjà sur leur pomme ???
Juste le temps d’une page de publicité, pour un excellent champagne, laissons Milord et Milady moelleusement languissants au soleil, pour revenir une petite heure en arrière. C’est à dire au moment où, Joe Krapov précepteur de son état fait intrusion dans la pièce où l’attend le petit Toto. Comme à son habitude, le garçonnet n’a de cesse de gesticuler tant l’anxiété de la situation le tenaille. Il a surpris 10 minutes plus tôt, entre la gouvernante et Mr Krapov une conversation à son sujet dont la tournure l’a quelque peu inquiété. En gros, les propos étaient les suivants :
-« ça ne peut plus durer ! déjà 8 semaines que je fais de mon mieux pour endiguer ce fléaut,,,, Et ce p’tit garnement, qui ne suit aucune de mes consigne, et n’en fait qu’à sa tête. Va voir de quel bois j’me chauffe » !
Joe qui ne sait quoi refuser à Pou-pou-ne (qui elle par contre, s’est toujours refusée à lui) profite de la situation pour proposer ses services, avec l’intention à peine dissimuler d’amadouer la belle.
-« Pou-pou-ne, je suis votre homme. A nous deux, c’est bien foutaise si nous n’arrivons pas à bout de cette petite crapule pouilleuse » !
c’est ainsi, que sans avoir eu le temps de dire ouf, Toto qui avait suivi le plus docilement possible son précepteur afin de ne pas envenimer les foudres de guerre qu’il pensait recevoir, ou éviter la volée de bois vert qu’il savait mériter faute aux souris déposées par inadvertance dans le lit de sa sœur Mimie, s’est retrouvé pieds et poings liés contre le torse velu de Mr Krapov. Qui le maintenait la tête au dessus d’une barrique en bois, disposée pour la situation à l’extérieur de la cuisine. Que mademoiselle Pou-pou-ne avait délaissée, le temps d’une tonsure salvatrice envers la communauté Fientesque de ces lieux.
Ni les cris, ni les larmes du garnement ne firent renoncer nos deux tortionnaires. C’est ainsi, qu’au bout d’1/4 d’heure, « y avait plus un ch’veux sur la tête à Toto » !
Fourbus et quelque peu courbaturés des coups donnés par l’enfant, nos deux protagonistes le laissèrent meurtri sur l’herbe pour se diriger de nouveau vers la cuisine, y prendre un bon verre de cidre réparateur. Les yeux larmoyants, le cœur plein de haine notre Toto n’a de cesse de crier VENGEANCE, quand son regard tombe sur le rasoir laissé là. Qu’il s’empresse de mettre aussitôt dans sa poche.
-« pardon Monsieur Nicolas, mais j’ai oublié mon chapeau. Vous vous doutez bien que par ce soleil, il me faut maintenant redoubler de vigilance » ! Surpris de tant de lucidité, le jardinier ne peut qu’acquiescer un
-« va petit… tu me retrouveras dans le quartier de mes chères odorantes »
En moins de temps qu’il ne faut pour le dire, Toto s’enfuit en direction du château, dont il se détourne dès que le brave homme n’est plus dans son champ de vision. Et, c’est pas à pas, sans faire le moindre bruit, que le garnement rebrousse chemin pour venir le rasoir en main se jeter sur Milord et Milady, deux magnifiques setter irlandais au poil soyeux. En s’écriant :
- -Dis donc Milord, je viens de voir des espèces de cloportes sauter deci-delà...
Ne me dis pas qu'ils viennent du bassin aux carpes !!!...
Allez, avoue, tu ne t'es donc pas baigné ce matin ???
Tu es encore plein des puces !!! et bien j’ai la solution ….. »
Mais allons plutôt retrouver ….
"Tu sais Vera, t'as eu une sacrée bonne idée de choisir cette agence de voyages"
"Quand j'ai vu la promo: soleil assuré, sol fertile, compost garanti sans pesticides et pH neutre, j'y suis allée ventre à terre!"
"ventre à terre... comme le nom de l'agence Ventraterre?"
"Oui c'est ça, ceux qui font dix pour cent de remise aux ingénieurs du sol"
"Qu'est ce qu'on est bien là, Vera..."
"Tu l'as dit! Si j'avais su qu'on pourrait se mettre nues ici, j'aurais perdu quelques anneaux avant de venir"
"Tais-toi donc, profite du beau temps, Vera. Transpire, tout ce qu'on a à perdre ici c'est du mucus"
"T'as bien raison, transpirons, en rentrant on va épater la galerie!"
"Regarde-moi cette colonie de termites qui débarque, y sont au moins trente, si c'est pas malheureux"
"Tu verras qu'un jour y vont nous envahir... Ah on vit une drôle d'époque"
"Et Vera! Si on s'inscrivait pour la séance d'aérobie?"
"D'abord ici, on dit aérobic"
"Ah bon? aérobic... comme lombric?"
"Chutt! Voilà le garçon de plage qui vient vers nous"
"Mesdames, puis-je vous proposer un petit verre?"
"Tssii... t'entends Vera? un p'tit ver, Tssii... avec une paille et deux cocons?"
Chapitre LXVII
Pamela était allongée sur sa natte en osier. Elle demanda à John de lui remettre de la crème solaire. Lui, ne sachant s’il devait faire de ce geste une banalité ou bien le tourner en moment sensuel, hésita un instant.
_ Johhhhhn ?, roucoula-t-elle.
_ Oui, oui, j’attrape la bouteille au fond de votre sac, Pamela.
_ Merci…, et elle soupira d’aise, replongeant son visage au ras du col.
Il faisait si chaud que des gouttes de sueur perlaient à leur front, le long du dos, sur le nez, et au-dessus des lèvres… Il mourait d’envie de les lui sécher.
Mais il étala un peu de crème dans ses mains, et, au moment où il pensa à retirer sa chevalière pour glisser langoureusement sur la peau de Pam, entendit une voix perçante :
_ Oh my God ! John, c’est toi ?
Ses mains pleines de crème solaire se suspendirent en plein élan. Il avait toujours détesté sa façon sèche d’attaquer les dentales.
Pamela releva la tête et abaissa ses lunettes noires sur le bout de son nez aquilin.
******************* Suite (vegas sur sarthe) *******************
Vingt ans qu'il avait cessé de se crever à lui faire arrondir les dentales, surtout les voisées propres à ses racines espagnoles, et la voilà qui revenait le relancer sur cette plage des Marquises.
Plus noir que ses lunettes, le regard de Pamela fusille l'intruse: "John, tu ne nous présentes pas?"
John à Pamela: "Dolorès...", puis John à Dolorès: "Pamela...".
Difficile de faire plus concis en deux mots! Il sent comme une sueur chaude et abondante perler de son front et couler sur ses pieds, mais en y regardant de plus près ce n'est que la crème solaire de ses mains.
Il a prononcé "Dolorès...Pamela" comme aurait dit le speaker sur le ring du Hilton-Las Vegas "Tyson... Holmes!"; d'ailleurs Pamela est prête à bondir de sa natte d'osier tout comme Dolorès serre les poings à s'en briser les phalanges.
John a horreur de ses dentales sèches, mais encore plus quand elle est muette... la crème solaire de ses mains a sêché sur ses orteils ensablés et l'atmosphère devient irrespirable.
Alors, avant que les deux panthères ne s'étripent, il doit s'enfuir coûte que coûte... John pique un démarrage fulgurant en direction de l'hôtel, sans même se retourner; il ne se serait jamais cru capable de courir aussi vite.
Dans son dos, ça doit déjà saigner et il a horreur du sang! Avec un peu de chance et si Lucy, la petite conne de la réception n'est pas rancunière, il attrapera l'avion du soir...
Chapitre 67. François. (PHIL)
Je suis assis à la terrasse d’un bar, au coin de la place Charles de Gaulle. C’est une terrasse pavée, ou plus précisément un coin de place pavé, juste au chevet l’église Notre-Dame. Je sirote un café après avoir fini le marché pendant que ma mère allait faire une course à la brûlerie. Quand j’y pense : faire les courses avec ma mère ! Voilà une éternité que ce n’était pas arrivé. Et je ne suis pas sûr d’avoir envie de renouveler bientôt l’opération. Enfin… Disons que je suis un peu plus disponible depuis que la princesse a disparu sans laisser de traces.
Je termine mon jus et je soupire d’aise en m’étirant. Je suis assis sous un tilleul, et en regardant en l’air, je peux admirer le contre-jour dans le feuillage et les fleurs de l’arbre qui exhalent leur suave parfum. Je me maudis d’omettre systématiquement d’emporter mon appareil numérique quand je vais quelque part, parce que j’ai toujours des idées de trucs à faire qui ne seront du coup jamais faits, et je sens de ce fait comme un arrière-goût de frustration. Parce que les feuilles et les fleurs des tilleuls, en contre-jour, c’est vachement joli. Surtout s’il fait beau, comme c’est le cas. Il y a juste quelques cumulus insignifiants par ci par là sur le ciel bleu, rien de méchant, et ce serait joli sur les photos si je n’avais pas oublié l’appareil. Le cumulus, ça meuble une image, c’est bien connu.
C’est marrant, cette histoire de nuages, ça me rappelle la fois où nous étions allongés nus sur les galets de la pointe du Hourdel, avec la princesse, et que nous commentions la forme des nuages. Oui, bon, je sais, c’est des conneries, nous n’étions pas nus, ce n’est pas cette fois-là que nous étions nus, c’était l’été d’avant, sur un tapis de bruyères, du côté du mont Lozère. N’empêche que nous étions réellement allongés sur le dos, dans les galets du Hourdel, pas nus, et que la sensation que j’ai éprouvée à cet instant, l’impression que les pierres me faisaient comme un matelas très doux dans lequel je m’intégrais progressivement m’a laissé un souvenir extrêmement vivace. Je ne suis pas certain que la princesse ait partagé mon enthousiasme. Je ne suis même pas certain qu’on ait vu tellement de nuages, finalement. Et on n’a pas vu de phoques non plus, ça j’en suis sûr.
Elle n’aimerait pas que je dise la princesse par ci, la princesse par là. Elle déteste ça. Que je l’appelle la princesse. Alors je ne le fais pas. La princesse, c’est juste un petit mot comme ça que je m’autorise à moi-même. Je lui ai dit une fois Ma princesse, dans un moment d’égarement. Je ne renouvellerai pas l’opération. Elle m’a fusillé du regard. Elle a les yeux revolver, comme disait une chanson débile d’il y a plein d’années, mais disons que je n’ai rien dit, parce que vous allez encore m’en vouloir de vous avoir fait chantonner toute la journée. Comme je disais, la princesse déteste les petits noms. Elle veut que je la nomme par son prénom, Angélique, et c’est sans appel.
Je ne sais pas où elle est passée. Un jour elle n’était plus là, c’est tout. Elle n’a rien dit. Elle n’a laissé aucun mot d’explication. Rien. Elle a disparu de la circulation. Ça va faire un mois. Je ne pense pas qu’elle ait été enlevée ou quelque chose comme ça : elle est partie avec un sac de voyage. Je ne pense pas non plus qu’elle m’ait quitté : ses chaussures préférées sont restées dans son placard. Elle est dingue des chaussures, la princesse. Je ne sais pas combien elle en a de paires. A croire qu’elle les collectionne. A mon avis, il y en a pour du pognon, parce que je peux vous dire que ce ne sont pas des chaussures de bas de gamme. Dans le lot, il y en a bien quelques unes que je lui ai offertes, mais pour la plupart, elle se les paie elle-même.
Je pense qu’elle est partie pour son boulot. Peut-être à l’étranger. Je ne sais pas. Elle est toujours très mystérieuse. Elle ne me fait jamais de confidence sur sa vie professionnelle. Je sais seulement qu’elle est « dans le refroidissement », c’est ce qu’elle a consenti à me lâcher, un jour, du bout des lèvres. Dans le refroidissement. Ce sont ses mots. Elle n’a pas dit climatisation ou frigorifique, elle a dit refroidissement. Bon. Cela lui arrive de partir quelques jours sans trop me prévenir, alors cette fois je n’en ai pas fait plus de cas que d’habitude. Au début. Sauf que là, ça commence à faire long. Je m’inquiète, moi. Je m’inquiète énormément, même. Je commence à ruminer des idées sombres. Ce n’est pas qu’elle me paraisse tellement vulnérable, non, elle est même plutôt du genre à mener sa barque seule, mais je m’inquiète, c’est tout.
François ! François ! Hou hou ! François !
Aïe. Ça y est. Ma mère a fini ses courses…
SUITE par Zigmund :
Là bas au café, c’est mon grand dadais de fils qui m’attend devant un crème en broyant du noir…
Je suis sensée avoir enfin fini les courses. En fait, j’ai attrapé vite fait deux trois bidules au hasard dans les rayons. Il a fallu foncer fissa dans un autre bistrot, et discrètement, dans les toilettes, mailer tous azimuts vers mes contacts, pour retrouver la trace d’Angélique.
Depuis longtemps, je joue à l’handicapée numérique ; (« tu es gentil de m’avoir installé internet, mais je ne sais pas m’en servir, je préfère les feux de l’amour à la télé ») mais si mon fils voyait le matos que je trimbale dans ma boite à maquillage, il serait sur le c... Je suis une mamie-secrètement- connectée.
Et mon fils qui croit pouvoir oublier l’absence de « sa princesse », Angélique, en me collant aux basques et qui porte les cabas de sa vielle mère, soit disant arthrosique. (il ignore que pendant qu’il me croit devant une camomille le soir, j’étale quelques jeunots au Krav Maga).
J’aimerais bien qu’il me lâche un peu le fiston, et je commence à fatiguer de jouer les vielles dames honorables.
Moi aussi, çà m’intéresse de la retrouver, ma belle fille, parce qu’on avait dit 50/50 sur son dernier contrat…
Qui c’est qui s’est farci les repérages hein ? Parce que le vieux qu’elle devait refroidir, je peux vous dire qu’il était du genre méfiant, et une jolie poupée comme elle qui arrive dans sa vie sans crier gare, il aurait tout de suite flairé l’entourloupe ; là, il est bêtement tombé dans le panneau de la veuve triste (moi, avec fils et belle fille) et à consoler bien sûr avec modération.
D’après les journaux, elle a réussi son coup au-delà de toutes les espérances, le vieux beau a été retrouvé sans vie, devant son coffre fort entr’ouvert, vidé de ses liquidités (*). Une chaussure féminine, grise orpheline, derrière le canapé a momentanément intrigué les enquêteurs. Mais comme le légiste a conclu à l’infarctus, et que le monsieur était notoirement dépensier, on a vite classé l’enquête.
Cette chaussure grise c’est bien la signature d’Angélique, et non pas l’oubli d’une hétaïre de passage…Elle n’aimait pas cette paire de chaussures…
Bon, grâce à mes contacts, je la tiens la trace de ma belle fille chérie, ou du moins les numéros et codes d’accès à ses comptes en Suisse, et, croyez-moi, j’ai quelques moyens de pression pour récupérer ma part du gâteau …
Mais comme je vous le disais, mon grand fils m’attend pour porter mes cabas…C’est –y- pas mignon tout çà ?
*le coffre !
ma non tropo
Nos deux héros, petites notes sur une portée, sont allongées, nues à l'ombre de la clé de sol
Si bémol croche reproche à Mimi bémol blanche de se trainer, mais Mimi rêve d'un beau point d'orgue bien musclé et langoureux.
Alors que Si bémol souhaite des syncopes, des soupirs, et quelques pauses coquines.
Mimi aime à regarder le reste de la portée, les autres notes au loin qui attendent la fin du point d'orgue pour redémarrer. Profite dit Mimi ...
C'est "quand il veut le batteur ! " répond Si bémol
Un câlin, un sourire minaude Mimi bémol.
L'est déjà assez longue cette mesure grogne la croche, si on met une liaison entre toi et moi , çà va lasser, je te le dis...j'aimerais passer à la vitesse supérieure si tu vois ce que je veux dire.
Ce compositeur, je ne sais pas où il veut en venir, à mon avis il va lui falloir un sérieux coup demain pour terminer sa partition
on n'est pas rendu à la double barre finale c'est moi qui te le dis.
"c'est la double barre finaaale, groupons nous z'et demain, musique géniaaale pour tout le genre humain"fredonne Mimi sur un air bien connu.
Et maintenant c'est quoi ce Fa dièze qui vient se pointer à la reprise hein ? l'a pas l'impression de mettre le souk avec deux bémols à la clé non ?
Ben quoi , si je veux passer en sol mineur, faut bien que je le case mon fa dièze, et puis après tout c'est qui le compositeur ?
Suite par Tilleul :
« Papapam ! Papapam !
Oust ! Finie la récréation !
Et les potins de salon ! »
Mais qui est-il celui-là ?
Un trombonne ? Un tuba ?
Terminée la promenade !
Sans dièse ni bémol, telle une tornade,
Il souffla, souffla si fort
Que la portée se dénuda…
Parties les notes, là…
La clef de sol est devenue fa…
Plus de Mimi, de blanches ni de noires
Cette anicroche
A supprimé les croches…
Seules quelques rondes, bonnes poires,
Lovées entre silences et soupirs
Attendent le point d’orgue avec un sourire…
Pas de sol mineur pour cette composition !
Le do majeur sera mieux dans le ton…
Chapitre LXVII : "Chef! je bronze..." par Vegas sur Sarthe
"Marylin..."
"Comment Chef?"
"Je disais Marylin... mon p'tit Mangin, on dirait le corps de Marylin, là! le cumulus à droite, tout rose et sinueux"
Minute de silence... on n'entendit même pas le "pou pou pi dou" dans la tête du Chef.
Mangin rompit le charme, il n'avait pas son pareil pour faire ça:
"Chef, je dirais plutôt madame Poitevin, celle du 3ième à la compta"
"Pff! Mangin, je vous conjure de ne pas parler boulot ici! 8200 kilomètres, ça devrait vous permettre de déconnecter, non? Et puis Poitevin a des fesses beaucoup plus larges, croyez-moi"
Il se retint d'ajouter que c'était son métier de bien connaitre ses employés.
Minute de silence... nécessaire à Mangin pour un savant calcul comparatif des volumes fessiers, Monroe contre Poitevin.
"Je sais pas Chef, en tout cas le p'tit nuage tout rond à gauche, c'est la tête de Francine tout craché!"
"P..... Mangin! je ne sais pas c'qui m'retient de vous refoutre dans le prochain avion, et je vous interdit de faire la plus p'tite allusion à Francine; songez qu'à cet instant, ma plus proche collaboratrice tient les rênes de la société avec brio et ne souffrirait None of your bloody comments, Understand?" Il switchait toujours en anglais dans ces cas-là!
Mangin se retourne sur la natte, mi-vexé mi-cuit pour faire rissoler sa face jusqu'alors cachée; ça cogne dur aux Maldives et toutes ces questions qu'il n'ose pas poser lui échauffent la tête.
A cet instant, quelle heure est-il à Arpajon?
Qui c'est ce Brio qui se permet de tenir les rênes avec Francine en absence du Chef?
Et si ce Brio était un espion de la concurrence, sournoisement introduit au sein de la société comme un ver immonde et malfaisant?
Et cet énorme trou dans les comptes, qu'il a découvert juste avant de partir?
Mais puisque le Chef l'exigeait, il ne parlerait pas de tout ça; non, juste profiter de l'instant, de la chaude caresse du soleil et d'une Marylin éclatante sur le ciel d'un bleu indescriptible.
Mangin lorgne vers son chef, assoupi sur sa natte et déjà bien cuit côté face.
Il n'a pas son pareil pour détendre l'atmosphère: "Vous avez une sacrée zigounette, Chef!"
"Humm?"
"Euh! Chef, je disais que vous avez un sacré cumulus erectus"
"Hein?"
"Non, rien Chef... je m'demandais si on aurait encore du poisson pour le diner?"
Minute de silence... Mangin ne pouvait s'empêcher de penser à tout ce qu'on lui avait confisqué en débarquant, son whisky et surtout sa collection de Play-boy. Il se demandait si le Chef ne pourrait pas user de son influence et des ses formidables qualités de négociateur pour récupérer son bien.
Il se promit d'en parler au dîner; il amènerait le sujet discrètement, après le deuxième cocktail, et il jurerait de ne rien dire à propos de Francine et de Brio...
Visiblement au top de sa cuisson, le chef se retourna à son tour "Si vous alliez nous chercher deux cocktails, mon p'tit Mangin?"
Il avait toujours adoré qu'il l'appelle son p'tit Mangin, surtout devant les autres, les jaloux, ceux qu'on n’emmènera jamais aux séminaires en Asie.
Comme Mangin se dirigeait vers le bar, un employé de la réception lui fit un grand signe de la main... si c'était une bonne nouvelle de l'aéroport au sujet de ses objets confisqués?
C'était un message pour le Chef; après tout le p'tit Mangin pouvait bien en prendre connaissance; une cure de soleil aux Maldives ça créée des liens.
Il vérifia bien que le Chef n'avait pas bougé sur sa natte et, s'abritant derrière un énorme éléphant en albâtre, il ouvrit l'enveloppe...
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Le message téléphonique avait été transcrit par la réception de l’hôtel :
« M FLAVAND,
TOUT VA BIENICI . JE M’OCCUPE DE TOUT . J’AI ETUDIE LES BILANS DE L’EXPORT AVEC BONNEFOI ET JE VOIS QUE LES COMMORES CE N’ESTPAS BRILLANT DEPUIS VOTRE DERNIER VOYAGE. BRAHIM SALLAH N’A PAS RENOUVELESES COMMANDES. IL A DIT AU TELEPHONE QUE LA BLAGUE DE LA CREPE AU GRAND MARNIER DE MANGINNE L’AVAIT PAS FAIT RIRE.
NOUS AVONS AUSSI UN LEGER DEFICIT DANS LABRANCHE AEROSOL MAIS CA NE DEVRAIT PAS POSER PROBLEME.
PROFITEZ BIEN DE VOTRE SEJOUR ET DITES A MANGIN DE NE PAS RACONTER DE BLAGUES AUX CLIENTS.
FRANCINE »
Mangin rougit alors comme s’il avait vu les fesses de Mme Poitevin devant le distributeur de café. Elle était pourtant amusante cette blague de la prostituée et des crêpes. Bon, Salah avait eu du mal à comprendre, forcément, les traditions bretonnes, c’était pas son truc !
Et puis, un petit vent de colère souffla sa honte. Ah un léger déficit dans la branche aérosol ? C’est comme ça qu’elle appelait le trou de 256 312 € inexplicable ? Et il s’appelait donc Bonnefoi ce Brio de malheur avec lequel elle s’amusait à vider les branches aérosols ? Mais pourquoi n’en avait-il jamais entendu parler avant ? C’était peut-être un cabinet d’audit que son patron avait fait venir pendant l’été ?
Elle allait voir si ses blagues étaient si mauvaises, cette Francine de malheur !
Mangin fila au bar, commanda deux jus de papaye tout en pensant langoureusement à son whisky entre les mains des douaniers, mais avant de prendre le plateau, il froissa le message de Francine et le jeta derrière un palmier où une poubelle pleine d’eau accepta de hâter sa destruction, puis il retourna vers son chef, prêt à en découdre avec son nouvel ennemi de l’au-delà des mers : Francine.
« Chef, je voulais vous dire, l’autre jour dans le bilan comptable, j’ai trouvé un petit problème… »
« Bon Mangin, donnez moi ce verre et parlez d’autre chose, vous n’avez pas envie de vous baigner ? » coupa le Chef avec un ton à la fois mielleux et énervé.
Mangin ne put pas remarquer, sous le coup de soleil, le changement de couleur du visage qui lui faisait face.
Le chef se leva brusquement et fila vers l’eau, il avançait avec une allure de jeune homme pressé d’accomplir un exploit sportif que Mangin, médusé, ne lui avait jamais vue.
Il lui emboita le pas, bien décidé à revenir à la charge au sortir de l’eau.
C’est alors qu’un employé de l’hôtel l’interpela :
« Mister Mangin ? Un chauffeur de l’ambassade a apporté un colis pour vous. »
Et il lui tendit un paquet mal fait, recouvert de papier marron d’épicerie. Mangin déchira le papier, découvrit un petit carton et, au fond du carton, sous une bouteille, aperçut un sein arrogant d’une play-mate exotique. Il rabattit le papier précipitamment et remercia d’un air idiot. Il allait devoir appeler l’ambassade…
-"hé merde ! j’ai perdu une pièce !
Jean Paul chéri, tu m’aides à ranger les morceaux du puzzle ?
tu es
Où » ?
-« Nu » ?
-« Allongé sur le dos » !
–« nous discuterons de la forme des nuages
de la caresse du soleil sur ta peau
des petites bêtes qui peuplent la lande»
-« ben dit donc, ça t’inspire .. j’savais pas tes talents cachés pour la poésipuzzlienne.
par contre je crois que tu es entrain de tout mélanger à force de gigotter dans tous les sens et te trémousser de la sorte. Je sais pas ce que tu as, mais tu me sembles bien excité d’un coup !
Allé sois sérieux, je ne voudrais pas qu’un morceau soit écorné, je ne pourrais plus l’entrer dans son orifice !
-« T’inquiètes ma puce, je gère .
oups ! pardon j’m’ai trompé » .
-« jean PAUL !
-« c’est amusant comme l’esprit peut vagabonder rien qu’à farfouiller ou tripoter
ces jolies formes arrondies. Regarde celle-ci,
on dirait comme une paire de fesses.
Si, j’t’assure. ,
ça me fait le même effet ! »
-« Jean Paul merDE, tu t'concentres oui ?
ou alors, c’est pas la peine de faire mine de m’aider parc’que tu vas voir
tandis qu’à l’horizon, l’adversité tisse ses noirs dessins »…
-« pupuce…. Là comme ça sur la moquette…
parmi les pièces de puzzle… J’ai envi de toi.
Et il se mit à déclamer :
« Oh oui, Pupuce, là, sur la moquette, emboîtons-nous !
Combinons nos pièces, tentons des assemblages !
Reconstruisons le ciel, sur le dos, le ventre ou les genoux !
Et non, ne me dis pas que ce n’est plus de notre âge !
Oh Pupuce, joue avec moi, je t’en prie !
Et invitons tes amies : Yvonne, Marie-Claire et Sylvie ! »
Ses amies !!!
Elle n’en crut pas ses oreilles. Elle eut très envie de lui encastrer sa main sur sa figure, sa petite main qui tient pile sur sa joue rebondie, mais il l’en empêcha, attrapant sa main pour la couvrir de baisers.
Elle sentit quelque chose de gluant, et lorsqu’elle regarda, elle était tatouée de traces baveuses et brillantes d’escargot !
« Beurk, Jean-Paul, mais quand donc seras-tu soigneux ! »
Mais Jean-Paul n’était plus là.
Elle était entourée d’escargots et de limaces. Petits, gros… tous les degrés de mocheté y étaient ! A y regarder de plus près, aucunes coquilles d’escargot n’étaient pareilles et elles semblaient des coquillages.
Au loin, une sirène de bateau. La mer ! Comment était-elle venue là ?
Partant des pieds, les escargots et les limaces lui grimpèrent dessus lentement, très lentement… Lorsque les premiers atteignirent son cou, elle cria.
Et repoussa Jean-Paul qui en tomba du lit.
« Mais enfin Pupuce, c’est le grand jour du Puzz’l thon, tu n’aimes plus que je te réveille par mes mamours ? ! »
Chapitre LXVII (Papistache)
Les dents de Zia couraient le long de son échine ; Raja laissait faire, elle découvrait. La journée n’avait cessé de lui apporter son flot de sensations nouvelles.
D’abord la lutte de Zia contre Vieux-Tong, la fuite du patriarche déchu, la course folle des femelles, la longue poursuite lancée par le vainqueur du combat, la parade. Elle revoyait le jeune mâle aux muscles noueux l’isoler, elle, du groupe apeuré, la pourchasser, la harceler, la forcer.
Promise à Vieux-Tong, elle n’avait pas encore été saillie, d’autres femelles avaient sa préférence et l’ardeur du chef déclinait. Zia, lui, l’avait choisie parmi les trente, peut-être parce qu’elle était vierge, peut-être parce seule elle arborait une robe mordorée. Un jour, elle lui demanderait.
Les autres femelles, bien sûr, allaient connaître les faveurs du mâle présentement couché contre son flanc et dont la verge entamait lentement sa détumescence ; les odeurs acides de leur rut sauvage emplissaient la vallée où leur course folle les avait entraînés. Sa vulve se contractait encore nerveusement, la semence de Zia l’emplissait. Elle poulinerait. Bien qu’épuisée, elle réalisait combien son statut de femelle première élue allait modifier son existence.
Zia pinçait de ses dents la peau du dos de sa compagne. C’est pour elle qu’il avait osé défier le pouvoir du chef. Il avait senti monter en lui une animalité nouvelle, animalité qui avait encore augmenté pendant la poursuite dans la grasse vallée du fleuve où leur errance les avaient conduits. Le vieux avait été un adversaire facile à vaincre ; sans doute avait-il compris que l’heure de céder était venue. Dans quelques mois, apaisé, il retrouverait une place ; au conseil des Sages il apporterait son expérience. Il fallait lui laisser le temps de recouvrer une dignité, le temps de muer, le temps qu’à son front l’auréole qui naissait à celui de Zia s’estompe.
Raja lui plaisait, toute pensée articulée avait fui son corps pendant l’accouplement : une bête ! Il s’était laissé commandé par son cerveau archaïque. Le premier poulain qui naîtrait des flancs de Raja serait à la fois son premier héritier et, peut-être, son rival. Mais, la planète aurait encore de nombreuses rotations à effectuer autour du soleil avant de songer à une succession et il faudrait prouver sa valeur.
Il aimait la brutale transition entre la peau nue du torse de sa compagne et la robe fine et irisée de sueur de son corps souple. Du doigt, il suivait la ligne et s’amusait aux tressaillements involontaires des muscles sensibles. La pointe des petits seins fermes de sa compagne ardait comme framboise. Raja s’appuyait du coude sur le creux de ses reins que des spasmes parcouraient encore. Elle était une charge légère. Leur souffle à tous deux reprenait un rythme normal. Ils savouraient l’instant.
Raja, la première, rompit le silence. Ils n’avaient pas échangé un mot. Jamais. Elle demanda s’il savait où se trouvait le reste du groupe ; il répondit que les vieilles femelles retrouveraient leurs traces, leurs huit sabots avaient imprimé dans la tendre herbe printanière un sentier bien plus lisible que les routes compliquées de leurs migrations saisonnières.
Il avait plu les jours précédents, quelques nuages couraient encore dans le ciel. Leur expérience des cycles de la nature permettait au couple, allongé dans l’herbe, de deviner que ce seraient les derniers avant longtemps. Les flancs de la jeune centaure afficheraient une courbe conséquente avant qu’ils ne reviennent, et d’ici là, leurs incessantes pérégrinations les auraient menés par de savantes boucles aux sources du fleuve d’où la légende disait que l’histoire de leur peuple était née.
Un éclair fit dresser la tête de Raja. La saison des orages n’était pas de mise. Ce n’étaient pas ces nuages résiduels qui allaient devancer la fin de l’été et l’éclair avait jailli de la ligne d’horizon. Son compagnon perçut l’inquiétude. Il releva la tête et la tourna dans la direction vers laquelle portait le regard de la jolie cavale.
Ils se dressèrent sur leurs sabots.
A plusieurs heures de galop, au couchant, une troupe se déplaçait. Les rayons du soleil se réfléchissaient sur de fines éclisses qui barraient le poitrail des inconnus. Celui qui n’a jamais vécu — s’il en est — en ces siècles où l’air avait cette pureté originelle qui permettait de distinguer jusqu’aux limites extrêmes le moindre détail ne comprendra pas la précision des images que perçurent les rétines des deux centaures. Ceux qui chevauchaient en tête avaient l’air ténébreux, la sueur perlait à leur front, leurs dents jaunes qu’un rictus d’effort dévoilait étaient serrées, mais l’horreur qui venait de faire vaciller les membres de Raja et Zia ne gisait pas dans cette vision-ci.
Suite par PHIL :
Une fois de plus, Angélique referma le fichier. Voilà deux mois qu’elle avait n’avait pas touché au texte. Elle en était au chapitre 67, ce n’était pas rien. Pas loin de deux cent pages. Mais voilà qu’elle ne parvenait pas à poursuivre.
Elle venait de relire les quelques pages composant ce fameux chapitre 67. Elle était assez fière de ses trouvailles, il faut bien l’avouer. Par exemple ces fines éclisses barrant le poitrail des inconnus… Elle se sentait découragée, pourtant. Elle n’avait soudain aucune idée de la matière dont seraient faites ces éclisses. Du bois ? Le soleil ne s’y serait pas réfléchi. Ou alors du bois encaustiqué ? Un léger sourire lui vint. De l’acier ? Allons donc. En ces temps où l’air avait encore sa pureté originelle, l’acier n’existait pas, pas plus que tout autre métal à vocation guerrière. Alors quoi ? Bien sûr, les aventures de ses centaures attestaient qu’on nageait là en pure fiction, elle avait donc le champ libre pour laisser libre cours à son imagination, ce dont elle ne s’était pas privée depuis le premier chapitre. Pourtant il lui semblait soudain qu’elle se heurtait à des problèmes insolubles d’anachronisme.
Elle regarda pensivement l’écran. Elle eut même la tentation d’effacer purement et simplement le fichier. Des mois de travail annihilés en un clic de souris, cela faisait tout de même réfléchir. Ou alors il lui faudrait reprendre la rédaction de ce chapitre 67 afin de pouvoir enchaîner plus aisément.
Oui, parce que ce serait dommage de tout détruire. Elle était tout de même fière de ses trouvailles. Ne serait-ce que pour ce chapitre le plus récent, elle était allée jusqu’à exhumer du Littré des termes tombés en désuétude depuis des lustres, tel ce verbe « arder » dont avec délectation elle animait les seins de la jeune centaure.
Elle sourit encore. Elle s’étonnait elle-même d’avoir mis en scène un couple aussi conventionnel. De centaures, certes, et on n’en rencontrait guère couramment. Y compris en littérature. Mais tout de même, cette histoire de grand mâle protecteur et combatif, et de femelle vierge et néanmoins voluptueuse dès la première étreinte, qu’est ce que c’était convenu ! Cela ne lui ressemblait pas du tout. Physiquement, elle n’était pas plus grande que la majorité des autres femmes, et les talons hauts sur lesquels elle aimait se jucher n’y changeaient rien. Toutefois, dans le couple qu’elle formait avec son François, c’est à elle que revenait le rôle protecteur et combatif. Il lui arrivait même, lors de leurs ébats, d’user avec lui d’arguments assez pénétrants. C’est ainsi qu’elle voyait les choses : elle était l’élément dominant, et c’était, lui semblait-il, en cohérence avec son activité de tueuse à gages (dont François ignorait tout, bien évidemment, et heureusement pour lui). Il n’y a qu’avec ses futures victimes qu’elle se donnait volontiers des airs de femelle soumise. Et encore.
Angélique eut soudain une idée : elle pourrait mettre en scène quelqu’un comme elle, une tueuse armée jusqu’aux dents qui viendrait semer la panique au royaume des centaures, même que la vision d’horreur de Raja et Zia, ce pourrait être ça, et foin des prétendus anachronismes. Elle pensa fugitivement à rouvrir le fichier. Finalement elle s’abstint. Elle venait de voir l’heure dans le coin en bas à droite de l’écran. Il était largement temps qu’elle se prépare à sortir. L’écriture, c’était bien joli, mais ce n’était qu’un hobby relaxant et ça ne payait pas. Son job était ailleurs. Et justement, elle avait du boulot. Un yuppie qui s’était cru autorisé à doubler son boss. Il fallait dessouder sans tarder.
Chapitre LXVII
C’était le premier été depuis bien longtemps. De ces étés où il n’y a plus à penser à rien, plus d’organisation à prévoir dès le réveil.
Que vont faire Tina et Charles aujourd’hui ? Que va-t-on leur faire découvrir ? Que mangerons-nous ce soir ? Où va-ton garer la voiture pour accéder à la plage ? Y a-t-il une animation au village ce soir ?
Sophie se sentait légère et engourdie, un peu anesthésiée par le soleil et par la main de Patrice qui lui frôlait la hanche. Deux semaines, rien que pour eux, c’était presque inimaginable et si délicieux.
Ils avaient choisi ce village naturiste en souvenir de leurs premières années ensemble. Le corps radieux de leur jeunesse et la curiosité de jeunes adultes qui cherchaient à affirmer voire à démontrer leur liberté.
- Tu te souviens de cet homme arrivé au bord de l’eau, très vanille fraise après sa rando à vélo dans les calanques ?
- Hmmm, opina Patrice, mais je préfère me souvenir de la splendide italienne qui avait provoqué une érection au marchand de glaces…
Sophie lui donna une petite tape sur la main en riant.
Ensuite ils avaient délaissé les camps ou les villages naturistes parce que les enfants n’aimaient pas ça et avaient honte de montrer leurs photos de vacances. Ils avaient choisi des clubs où les activités sportives comblaient Tina et la plage ravissait Charles et sa nonchalance…
- Tu crois que Charles va s’en sortir tout seul à la maison ?
- Mais oui, arrête de te faire du souci, il a même l’âge de trouver ça très intéressant ! Et puis, si ça ne va pas, il appelle sa sœur.
La consigne d’avant le départ avait été : Tu te débrouilles et en cas de problème tu téléphones d’abord à ta sœur. Tina n’était pas loin, occupée par l’organisation de son marathon des dunes et avait donné son accord pour chaperonner le « petit ». Le petit qui avait fini ses épreuves de bac une semaine avant, péniblement, et qui n’avait pas vraiment de projet ni d’envie.
Patrice avait un peu forcé la main de Sophie pour qu’ils s’éloignent vraiment et le laissent à son désert…
Sophie continuait de s’inquiéter un peu mais de moins en moins chaque jour, toute à ce plaisir retrouvé de passer ses journées avec son homme, à bavarder enfin du futile, de la forme des nuages ou de la force du vent qui leur permettrait peut-être de sortir un dériveur.
Dans le panier de plage de Sophie, une petite mélodie familière se fit entendre. Sophie tressaillit, se remit à plat ventre pour attraper son panier, farfouilla nerveusement pour atteindre son portable qui venait de recevoir un SMS. C’était Tina :
« Rectorat vient d’appeler. Big pb ! »
Suite par Walrus :
- Et voilà ! s'écria Sophie, Voilà ce que c'est d'imaginer que le laisser seul allait améliorer son comportement !
- Mais chérie, s'il a des problèmes avec le Rectorat, ce ne peut être dû au fait que nous l'avons laissé se débrouiller seul maintenant ! Ou ta mauvaise foi, bien féminine, te fait imaginer des effets rétroactifs à des faits actuels.
- Mauvaise foi féminine ! T'es gonflé ! Enfin moralement, je veux dire. Tu ne me parlerais pas plutôt d'insouciance masculine ?
- Moralement, moralement ? T'as plus vingt ans non plus, je te signale...
- Peut-être, mais mon ventre est resté plat, lui !
- C'est vrai, je dois l'admettre... dommage néanmoins qu'il soit en partie caché par tes seins ;o))
- Salaud ! Je savais qu'en fait de retrouvailles tu étais surtout venu pour te rincer l'oeil ! Ta pupille est bien ton dernier organe à se dilater !
- Sophie, tu me pompes ! ... moralement, bien sûr.
Et ce qui aurait dû être une occasion de ressourcement, se révéla en fin de compte le départ d'un divorce mouvementé.
Pour l'édification du lecteur, nous signalerons que l'appel du Rectorat provenait du fait que Charles avait oublié sur la table d'examen cette montre qu'il semblait consulter en permanence et qui se révéla être en réalité un astucieux centre de communications miniature grâce auquel il avait pu échanger avec une équipe extérieure (pas très douée) qui l'avait soutenu dans cette pénible épreuve.
Chapitre LXVII (Walrus) suivi de : D’être deux (Joe Krapov)
Où, nus, allongés sur le dos, nos deux héros discourent de la forme des nuages, de la caresse du soleil sur la peau, des petites bêtes qui peuplent la lande et du plaisir d'être, tandis qu'à l'horizon, l'adversité tisse ses noirs desseins.
Ils sont nus... mais ils ne le savent pas.
Ils sont nus, mais ils ne le savent pas encore.
Pas encore, car au-dessus d'eux, au bout de l'extrême rameau de l'arbre, le malin, de son nez de serpent, pousse doucement pour qu'il se détache et tombe, comme la pomme de Newton, le fruit de la connaissance.
***
Suite par Joe Krapov :
Et voilà pourquoi, chaque jour,
Nous allons errants, éperdus,
Cherchant à chaque carrefour
Un coin du paradis perdu
Par nos arrière-grands-parents.
Et voilà pourquoi dans la nuit
Nous entendons ces guides fous
Pie XII, Urbain VI, Khomeiny,
Ayatollahs, papes, gourous,
Adjuvants-chefs d’ordre établi.
Et voilà pourquoi, foin d’église,
Foin du chanoine de Latran,
Je ne rêve que de Venise
Et suis ouvert à tous les vents
De notre paradis terrestre .
C’est pourquoi je remercie Dieu
De m’avoir fait rencontrer Eve.
Nous nous contentons de bien peu
Mais nous vivons comme en un rêve
Et c’est notre pain quotidien
Et s’il y a quelque chose, ô, Dieu
Qui nous mène au ciel ou tout comme
C’est bien le plaisir délicieux
D’être deux pour croquer la pomme
D’être deux pour croquer la pomme
Sans souci du bien ni du mal
Ni des serpents d’aucune espèce.
La version sonore est disponible ici : http://www.onmvoice.com/play.php?a=8371